Janvier 2012 : je visite la prison du Pontet.
Monsieur Parsy, le bibliothécaire me raconte que les détenus veulent de la poésie ou des autobiographies, pas des romans. Certains deviennent mordus de lecture en prison.
Trois mois plus tard, dans une lettre, l’un d’eux m’écrit : je tiens un livre comme si j’avais ma vie entre mes mains, je ne peux plus le lâcher, je veux connaître la fin.
Je commence une correspondance avec des détenus.
Je me dis que dans une prison, chacun est seul : la prison ne fait pas groupe. L’expérience de la prison n’est pas universelle.
L’homme n’existe QUE collectivement, socialement.
Cette privation de liberté, elle ne se partage pas, elle est indescriptible : c’est ce que tous me disent au fil des lettres. Quand je leur écris que je comprends, ils me corrigent : non, tu ne peux pas comprendre. La prison coupe les liens qui reliaient un individu aux autres et au monde. Un homme est amputé du monde et le monde est amputé d’un homme.
Et couper ces liens, c’est couper ses pensées.
Je retrouve le rythme oublié du courrier, la circulation des enveloppes, les timbres, la découverte des écritures tracées à la main.
Cet espace entre deux personnes, immobiles, une lettre à la main, devient vibrant. Notre relation ne ressemble à rien d’autre : ce n’est pas une amitié, ni une fraternité, rien… C’est une relation magique, je m’en rends compte peu à peu, et nous sommes tous les deux consentants.
Je retrouve mes premiers moments d’écriture, ceux de l’enfance : j’apprenais à écrire pour apprendre à parler.
Le texte qui naît de cette correspondance raconte de façon transparente la relation entre un auteur et un détenu. A travers la voix de l’auteur, les pensées du détenu nous parviennent, il est là…
La création d’une communauté invisible à laquelle on se sent appartenir.
François Cervantes